En quoi a consisté votre rôle sur le film ?
En tant que directrice des décors, je donne forme aux idées des réalisateurs. Je décide de l’identité des décors et des moyens de les obtenir : mon but est d’émerveiller le public, de créer une atmosphère qui accompagne l’histoire.
Pour Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci, le concepteur graphique m’a fourni des dessins indiquant l’ambiance, les couleurs et le style. J’ai fait des recherches et j’ai élaboré les plans pour répondre aux problématiques du scénario à partir de ces illustrations. J’ai choisi les techniques et matériaux à utiliser, constitué les équipes, veillé aux délais de fabrication et à la cohésion visuelle de l’ensemble.
Quelles différences avec la création de décors de films en prise de vue réelle ?
La taille, pour commencer ! Nous étions sur une échelle huit fois plus petite que la réalité et nous devions aussi fabriquer tous les éléments puisque rien « n’existait » en amont : tables, verres, arbres, tuiles… Nous n’achetons que très rarement des objets manufacturés, surtout dans ce cas : la vaisselle utilisée à l’époque est introuvable dans les magasins de maquettistes, l’histoire se déroulant à la Renaissance.
Ce qu’il faut avoir en tête avec le stop motion (animation image par image), c’est l’arrêt du mouvement : on prend en photo une image puis une autre. Les accessoires, mêmes petits, doivent donc être solides, maniables et stablespour rester sur la position décidée par l’animateur·trice.
Comment avez-vous conjugué fidélité historique et liberté artistique ?
J’ai visité le château du Clos Lucé avant de commencer la conception des décors. J’ai pris des photos et j’ai utilisé Google Earth pour avoir tous les axes des châteaux et des vues des toits. Pour Amboise, j’ai utilisé des livres d’art et une vidéo de reconstitution à travers les âges.
Jim Capobianco, le scénariste et réalisateur du film, a une grande connaissance de cette époque, il était donc attaché à la cohérence chronologique. C’est pourquoi les décors sont très fidèles aux monuments historiques. En revanche, nous pouvions prendre certaines libertés pour répondre aux exigences du scénario, notamment pour les déplacements des personnages à l’intérieur des châteaux. Il était par exemple possible d’ajouter une porte dans un décor ou d’épurer certaines pièces, afin de gagner du temps.
Comment s’est organisée la fabrication des décors ?
Il y avait trois équipes décors : la construction et la fabrication des accessoires qui étaient concomitantes, et la peinture, qui démarrait et finissait plus tard.
Avec le chef constructeur, nous discutons des problématiques d’accès et de poids des décors. Un décor doit être composé de plusieurs morceaux pour pouvoir être monté et démonté facilement. Souvent, les murs bougent pour différentes raisons scénaristiques. Les animateurs·trices qui passent huit heures par jour à travailler doivent pouvoir circuler facilement. Les constructeurs·trices prévoient également les tables qui vont supporter ces décors. Plus ils sont grands, plus ils seront complexes à fabriquer et à utiliser.
Je donne au département accessoires un inventaire de tous les objets à fabriquer par décor, en précisant la quantité. Certains éléments, comme les livres, les flacons ou les parchemins, peuvent compter jusqu’à cinquante exemplaires. Un même objet peut aussi tourner sur plusieurs plateaux en même temps et avoir plusieurs tailles, selon comment il sera filmé, ou différentes apparences, comme la végétation qui change en fonction des saisons.
Avant de récupérer les décors, le chef peintre fait des essais pour trouver la texture et les couleurs, en tenant compte de la lumière que veut obtenir le chef opérateur. Par exemple, s’il y a des dominantes rose-orangé comme pour les scènes à Bologne, il ne faut pas donner à la peinture la teinte idéale, car elle sera obtenue une fois le décor éclairé. La peinture doit résister aux colles et aux alcools de nettoyage : un décor peut rester en place pendant des mois. Il faut aussi pouvoir faire des retouches pendant le tournage.
On remarque de nombreux accessoires très détaillés, parlez-nous de ce travail d’une grande minutie.
Nous utilisons du métal, des moules pour faire des tirages en résine, du bois, ou encore du plastique que nous chauffons pour donner la forme voulue. Nous devons également fabriquer toutes les pièces en tissu : draps, oreillers, fauteuils, rideaux… Il faut choisir des motifs à l’échelle des personnages ; si nous ne trouvons pas, nous imprimons nous-mêmes nos tissus. Les drapeaux avec les écussons des maisons royales ont été un beau casse-tête avec les différentes échelles de plan. En général, plus c’est compliqué, plus l’accessoiriste aime ça, car c’est un défi !
Comment intervenez-vous pendant le tournage ?
J’interviens avec les autres chef·fes de postes quelques semaines avant le tournage de chaque séquence pour « répéter » les scènes. Cela permet d’anticiper les oublis, problèmes ou erreurs, en nous laissant du temps pour les résoudre. Je vois ensuite avec la cheffe set dressing qui s’occupe de l’installation des plateaux, pour qu’elle puisse préparer chaque séquence. Étant la seule du département décor tout le temps présente lors de la fabrication et du tournage, je suis au courant de tout !
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