Les métiers artistiques

Rencontre avec Ceylan Beyoğlu, l’une des six réalisatrices du GRAND NOËL DES ANIMAUX

Magazine n°8
Avec son studio d’animation, le Storykid Studio basé à Hambourg, Ceylan Beyoğlu, réalise des projets qui utilisent le langage universel du dessin pour rendre accessibles des histoires riches et complexes. C’est également elle qui se cache derrière les adorables mascottes de Séances Scolaires et du Little Films Festival.

Comment êtes vous devenue illustratrice et réalisatrice ?

C’était une coïncidence, ou plutôt, une série de coïncidences ! J’ai grandi à Istanbul et, à l’époque, je ne savais pas qu’il était possible de faire des études en animation ou en illustration.

Pour résumer, j’ai d’abord étudié la restauration architecturale, puis je suis partie à l’étranger pour étudier le design de produits. Cela m’a amenée à créer des jouets puis à concevoir des personnages. C’est là que j’ai rencontré des animateurs et animatrices. Cela a été une révélation pour moi !

Je me suis mise à regarder tutoriel après tutoriel, j’ai emprunté des tonnes de livres à la bibliothèque, et j’ai appris l’animation et l’illustration en autodidacte.  J’ai ensuite suivi des cours de scénario et obtenu des financements, ce qui m’a permis de réaliser seule mon premier court métrage d’animation, Piccolo Concerto. J’ai beaucoup appris également en travaillant sur Pembo, le premier livre pour enfants que j’ai illustré.

Extrait de son premier livre illustré Pembo

Vous travaillez sur tablette mais votre style graphique est assez « traditionnel », comment procédez-vous ?

J’ai animé mon deuxième court métrage, The Round, entièrement à la main. J’ai adoré le faire, mais j’ai réalisé qu’il valait mieux intégrer davantage de numérique dans mon travail. En fait, cela fait un an ou deux que je travaille principalement en numérique, surtout pour des raisons de gestion de temps. Et aussi parce que je vois tous les papiers qui s’accumulent et emplissent mes étagères !

Pour autant, mon travail n’est jamais entièrement numérique. Je commence toujours avec du crayon et du papier. Curieusement, je n’arrive pas à réfléchir sur une tablette numérique. Mes personnages prennent toujours vie sur papier. J’utilise également des textures peintes à la main, que je réalise avec de la gouache, de l’aquarelle, de l’encre, du fusain, des crayons, etc. Ensuite, je les scanne et les intègre à mon dessin final.

Les heureux accidents qui peuvent arriver sur papier ne peuvent pas être reproduits en numérique. Cela me manque parfois de ne plus travailler exclusivement en animation traditionnelle, mais on verra ce que nécessiteront les prochains projets !

Comment avez-vous eu l’idée de votre chapitre dans Le Grand Noël des animaux ?

Cela a été un loooong voyage ! Nous avions simplement pour consigne d’intégrer des animaux et Noël dans nos histoires.

Au début, j’avais juste un coq et un bonhomme de neige. Avoir seulement deux personnages aurait simplifié l’animation. Puis, petit à petit, sont arrivé·es les poules, les poussins et ma petite poussine…un ensemble de personnages imposant !

Cependant, le coeur de l’histoire est resté le même : il a toujours été question de démocratie et de la force du collectif. Je pense que j’ai également été inspirée par mon expérience en tant qu’étrangère qui doit débuter seule dans un nouveau pays, ainsi que par les problèmes démocratiques de mon pays natal.

Pourquoi avez-vous choisi une petite poussine pour votre film ?

Au début, j’avais raconté toute l’histoire du point de vue du coq, mais après environ 30 versions de mon scénario, j’étais toujours insatisfaite.
Puis, j’ai soudainement eu l’idée de raconter l’histoire du point de vue d’un enfant. J’ai tout réécrit, y compris le storyboard (NDLR : il s’agit de l’histoire du film illustrée séquence par séquence). C’est ainsi qu’est née la petite poussine.

Comment travaillez-vous sur les illustrations pour Séances Scolaires ?

Je reçois tout d’abord un brief sur les différentes situations à illustrer.

Pour créer les animaux que nous choisissons ensemble, je commence par faire des recherches sur Internet pour les dessiner, sur papier, en m’inspirant de références réelles. Une fois que j’ai correctement représenté leur anatomie, j’essaie de les personnaliser en testant quelques poses et en accentuant leurs particularités.

Je dessine ensuite un premier croquis de la composition totale avec les différents personnages et le décor, que je scanne et numérise. J’adapte cette première ébauche en fonction des retours : par exemple, on peut décider à ce stade de remplacer tel animal par un autre.

C’est comme jouer au ping-pong : ce qui enrichit les illustrations, ce sont les échanges ! J’ajoute ensuite les couleurs et je procède enfin aux derniers ajustements.

Au début, je me concentrais uniquement sur les spécificités et la personnalité des animaux que j’associais ensuite à la situation. Désormais, je prête également attention à d’autres aspects, les combinaisons de couleurs par exemple.

Quels sont vos prochains projets ?

En ce moment, j’illustre un grand « Cherche et trouve » pour un magazine scientifique destiné aux enfants, et je travaille sur l’affiche d’un festival international de cinéma.

En parallèle, je développe une série animée accompagnée de livres. C’est un mélange d’autofiction et de documentaire. J’ai nourri cette idée pendant trois ans, remplissant de nombreux carnets de croquis avec des recherches et des idées.

J’y consacre énormément de temps en ce moment ; c’est un projet très important pour moi. Nous verrons où le chemin me mènera cette fois-ci !

Extrait de son premier livre illustré Pembo

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