Jérémie Monmarché est directeur adjoint des cinémas Studio à Tours (37) et coordinateur départemental d’École et maternelle au cinéma. Manon Lory est programmatrice et coordinatrice jeune public et pour les 15-25 ans.
Quelles sont vos missions auprès du jeune public ?
JM : Je me charge des séances scolaires, dont les dispositifs École et maternelle au cinéma, ainsi que de la coordination pour tout le département d’Indre-et-Loire. Nos salles sont très utilisées les matins par les séances de dispositifs, mais dès qu’un établissement nous contacte pour un film en particulier, nous faisons tout pour l’accueillir (et on y arrive toujours !). Nos missions avec Manon se croisent lorsqu’un film est proposé en programmation publique et qu’il est aussi demandé par les écoles. C’était le cas récemment pour Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci.
ML : Je m’occupe de la programmation jeune public hors temps scolaire. Cela comprend notamment la coordination des animations et des partenariats, par exemple avec la mairie de Tours pour le festival jeune public Planète Satourne. Nous travaillons aussi avec la librairie jeunesse Libr’Enfant, qui nous prête des livres en lien avec les films à l’affiche, pour des ateliers littérature et cinéma ou des lectures dans notre bibliothèque.
Comment sélectionnez-vous les films jeune public programmés ?
ML : Je note les sorties des mois à venir pour tous les publics entre 3 et 13 ans ; Jérémie me fait également des suggestions. Je regarde les films grâce aux liens de visionnage envoyés par les distributeurs·trices, il est important de savoir ce que l’on montre ! Je favorise les films labellisés Art et Essai, c’est-à-dire qui ont de plus petits moyens de communication ou financiers, des films qui viennent du monde entier ou des films de patrimoine. C’est notre rôle, en tant que salle Art et Essai associative et indépendante, de valoriser ces oeuvres et de faire découvrir d’autres cultures et visions du monde aux jeunes spectateurs·trices.
Chaque mois, je soumets ma sélection à la commission jeune public du cinéma, composée de sept membres actifs·ves bénévoles et de moi-même. Nous discutons des films et imaginons ensemble quelles animations proposer. Les bénévoles animent les ateliers, font de la communication et m’aident à accueillir le public lors des événements : c’est un travail d’équipe.
Avez-vous des films « coup de coeur » ?
JM : J’ai surtout l’envie de montrer des propositions cinématographiques qui sortent des habitudes des enfants : du noir et blanc, du muet, des styles originaux d’animation, du documentaire, du court métrage… Toutes ces formes qu’ils·elles pourront ensuite recroiser dans leur parcours de spectateur·trice, afin d’apprendre à mieux les apprécier par la suite.
ML : J’aime particulièrement partager des films qui éveillent l’imagination ou bien que j’ai découverts petite et qui ont développé ma passion pour le cinéma. L’idée de transmission est très importante pour moi. J’aime les films fantastiques et poétiques avec des récits d’aventures : les films de Miyazaki, Tout en haut du monde, La petite fabrique de nuages, Dounia et la princesse d’Alep, Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci ou encore Sirocco et le royaume des courants d’air. J’aime également beaucoup mettre en avant des films populaires et de patrimoine : tous les Buster Keaton, Jason et les argonautes ou encore L’histoire sans fin et Edward aux mains d’argent.
Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci a rencontré un vif succès dans votre salle…
ML : Le film se déroule dans notre région, cela attire forcément les Tourangeaux·gelles ! Les expositions au Clos Lucé et au Château Royal d’Amboise ont été très médiatisées, notamment avec de l’affichage public dans la ville. Un grand partenariat a été mis en place entre des salles de cinéma de la région Centre-Val-de-Loire et La Nouvelle République, ainsi que TV Tours, ce qui apporte aussi une grande visibilité au film et aux séances organisées. Enfin, toutes les écoles de la région ont été informées de la sortie du film.
D’après vous, pourquoi est-il important que les enfants découvrent des films au cinéma ?
JM : La première expérience de cinéma leur permet de comprendre comment se comporter en groupe et de vivre des émotions collectives. On peut parler ensuite de ce qu’on a vécu ensemble, de ce qu’on a ressenti ; on peut comparer, essayer de comprendre les autres, etc. Cela donne aussi un caractère exceptionnel aux images : un spectacle proportionnel à la taille de l’écran. L’éducation aux images doit permettre aux enfants de prendre de la distance par rapport à tout ce qu’ils·elles peuvent voir – leur faire comprendre, au fil de la scolarité, que les images, d’où qu’elles viennent, sont fabriquées, qu’il y a un regard, un message derrière chaque plan.
ML : Cela leur permet de vivre une expérience collective, de partager leurs rires, leurs questionnements, leurs larmes. Ils·Elles sont dans des conditions parfaites pour savourer le film en restant concentré·es. La sortie au cinéma offre un moment de partage où parents et enfants peuvent discuter ensemble de ce qu’ils·elles ont vu et entendu. L’éducation aux images est primordiale, surtout dans ce monde qui évolue de plus en plus vers le numérique. Les jeunes baignent dans les images partout et tout le temps. Il est important de les aider à se forger un esprit critique sur ce qu’ils·elles regardent. Les enfants c’est le public de demain, si nous les sensibilisons dès le plus jeune âge à venir découvrir des oeuvres sur grand écran. Le cinéma favorise le développement de leur imagination et les nourrit, cela leur ouvre l’esprit et élargit leur vision du monde.
Comment s’organisent les séances scolaires ?
JM : Les séances hors dispositifs se font sur demande des enseignant·es selon deux schémas. Soit le film fait partie de notre programmation et nous pouvons organiser une séance (le plus souvent le matin), même pour une seule classe. Soit le film est une demande spécifique et nous demandons qu’il y ait au moins trois classes à la séance ou plusieurs écoles sur la semaine. Nous présentons systématiquement le film avant la projection : cela permet d’accueillir les élèves, d’avoir une salle calme et attentive, et surtout de donner des conseils pour que la séance se passe bien (notamment demander aux adultes d’éteindre les portables !). Pour les séances de dispositifs, nous faisons le lien avec les films vus précédemment et répondons aux questions, s’il y en a. Nous diffusons aussi une pastille vidéo, élaborée avec l’association Ciné Off, qui donne des informations sur le·la réalisateur·trice, le genre, l’époque et l’histoire du film. Nous imprimons également à la demande des enseignant·es l’affiche du film pour la classe. Il peut y avoir une visite de cabine après la projection, mais les écoles sont souvent tributaires du transport et de la cantine.
Quelles animations proposez-vous pour le jeune public ?
ML : Il y a très régulièrement des ateliers créatifs, par exemple de pâte à modeler, ou encore « Expression d’impressions » : les enfants expriment sur du papier Canson ce qu’ils·elles ont ressenti et vu durant un film, à l’aide d’encre, de peinture, de craies grasses, etc. Nous proposons aussi des ateliers plus techniques : réalisation en stop motion (NDLR : image par image) ou table Mash’Up pour montrer l’importance du montage au cinéma (NDLR : il s’agit d’une table de montage qui permet de mixer en direct, grâce à des cartes interactives, extrait vidéos, musiques et bruitages, et d’enregistrer des voix de doublage avec un micro). Nous offrons également des lectures et des Ciné-philo pour échanger sur une oeuvre librement, des Ciné P’tit déj, ou encore des Ciné-goûters. Il y a aussi les Quarts d’heure du conteur, pour écouter une histoire en salle en lien avec le film qui suit. Chaque animation est pensée en lien avec le film programmé. Nous avons mis en place une nouveauté cette année : le Ciné anniversaire. Les enfants viennent fêter leur anniversaire après une séance le samedi. Les adultes accompagnant·es s’inscrivent pour récupérer des petits cadeaux et l’affiche du film. Il est possible de réserver un gâteau pour le goûter auprès de notre cafétéria.
JM : Il serait impossible de proposer toutes ces actions pour le jeune public sans l’implication des bénévoles qui se mobilisent pour mener ces activités. Le tarif de notre abonnement 3-13 ans est vraiment tout doux pour rendre les séances accessibles à un maximum d’enfants et de parents.
Nous organisons pour les écoles les rencontres Courts d’Écoles qui permettent aux classes ayant réalisé un film au cours de l’année scolaire de le montrer sur grand écran lors d’une séance regroupant plusieurs écoles. Une séance publique est aussi organisée pour les parents.
Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
JM : La venue de Michel Ocelot pour Dilili à Paris et celle des mascottes Pat et Mat pour fêter les 60 ans du cinéma !
ML : L’avant-première de Tout en haut du monde de Rémi Chayé, ainsi que celle de Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci en présence de Jim Capobianco. Il a été adorable, nous avons pu échanger sur son travail et lui faire visiter notre cinéma ainsi que notre bibliothèque, c’était un beau moment de cinéma.