TÉMOIGNAGES

L’intégration du cinéma dans les projets pédagogiques de Pauline Linlavong, enseignante en classe multi-niveaux de la PS au CP

Magazine n°6
Chaque trimestre nous mettons en avant des projets pédagogiques liés au cinéma pour vous inspirer. Comment inclure le cinéma dans son programme ? Comment choisir des films adaptés aux plus jeunes ? Pauline Linlavong, enseignante depuis une quinzaine d'années, partage avec nous son approche de l’éducation artistique et culturelle.

Pauline Linlavong est enseignante en classe multi-niveaux de la PS au CP à l’école primaire de Lax à Baraqueville (12).

Pourquoi avez-vous décidé d’intégrer le cinéma à vos projets pédagogiques ?

Enrichir ses connaissances avec un film documentaire, aborder les thèmes de l’amitié, de l’écologie ou de la guerre, ou simplement passer un bon moment à l’approche des vacances sont autant de raisons (parmi tant d’autres !) d’aller au cinéma avec sa classe.
Plus récemment, j’ai choisi pour mes élèves des adaptations d’œuvres de littérature jeunesse, telles que La Chasse à l’ours ou Le Tigre qui s’invita pour le thé. Le travail des enfants et la vie de la classe tournent autour du livre pendant quelques semaines et le point d’orgue est la sortie au cinéma. Quoi de plus enthousiasmant que de voir s’animer les personnages d’albums découverts en classe ? Cela permet aussi d’exploiter les œuvres dans différents domaines d’apprentissage.

Comment choisissez-vous les films ?

Mes élèves restent dans ma classe pendant 4 ans alors j’essaie de les y emmener au moins deux fois entre la PS et le CP. J’opte pour des films adaptés à mon petit public âgé de 3 à 7 ans en me référant par exemple aux catalogues en ligne de certains distributeurs comme Little KMBO ou Les Films du Préau qui sont des références pour moi (NDLR : la société de distribution est chargée de la diffusion et de la promotion des films au cinéma ; les catalogues de leurs films sont disponibles sur leur site Internet). Il faut savoir qu’il est tout à fait possible d’organiser une séance scolaire d’un film sorti il y a plusieurs années. Je ne recherche pas un nombre de séances de cinéma par an mais LE film idéal qui « colle » à mon projet.
Cette année, nous travaillons sur le thème de la ville et c’est votre magazine qui m’a donné l’idée d’aller voir Chien Pourri, la vie à Paris ! Le film est parfaitement adapté aux élèves de cycle 1 et 2. Le travail en classe autour de la projection sera peut-être, pour mes CP, une porte d’entrée vers les romans de Chien Pourri.

Comment travaillez-vous autour de la sortie au cinéma ?

Les enfants découvrent en amont l’affiche et des informations techniques sur le film comme la durée, la langue d’origine ou la technique d’animation utilisée. Par exemple, dans Bonjour le monde ! ce sont des marionnettes animées en stop motion (NDLR : animation image par image). Monsieur Bout-de-Bois a été réalisé en images de synthèse ; quant à La Chasse à l’ours et Le Tigre qui s’invita pour le thé, la majorité des dessins ont été réalisés à la main avant d’être animés. Toutes ces techniques sont expliquées dans les dossiers pédagogiques qui permettent de comprendre comment les films ont été faits. Le plus important est de susciter l’intérêt des élèves pour l’histoire qu’ils·elles vont découvrir dans l’obscurité de la salle.
Après la projection, je leur demande : qu’est-ce que vous avez aimé ? Qu’est-ce qui vous a déplu ? Qu’est-ce qui vous a surpris·e ? Qu’est-ce que vous avez retenu ? Ils·Elles me dictent leurs réponses et la plupart du temps cela commence par « J’ai aimé… » ou « J’ai adoré… », ils·elles sont en général très enthousiastes !

“Aller voir un bon film au cinéma, c’est s’éveiller.”

Comment utilisez-vous le matériel pédagogique proposé autour des films ?

C’est un plaisir de concevoir sa séquence grâce aux ressources pédagogiques proposées par les distributeurs et de réaliser toutes sortes d’activités et de jeux pour préparer les élèves à la projection (NDLR : le matériel pédagogique est disponible sur les sites des distributeurs). Je puise énormément d’idées « clefs en main » dans le matériel qui nous est offert : activités manuelles et artistiques, recettes de cuisine, analyses d’images… J’y ajoute ensuite ma touche personnelle.

Par exemple, pour La Chasse à l’ours, nous avons monté une courte pièce de théâtre pour la fête de l’école. La structure répétitive de l’album, et donc du film, se prête parfaitement à la mémorisation du texte. En plus de le réciter, les enfants, sur scène, mimaient la traversée des différents paysages (le pré, la boue, la forêt…).
Pour Le Tigre qui s’invita pour le thé, en plus du dossier pédagogique, j’ai reçu le coloriage géant et l’album en anglais. Nous avons décoré la classe et fait un sapin de Noël « tigré ». C’était très festif et les enfants en gardent un bon souvenir !

Vous avez organisé une séance immersive en anglais du Tigre qui s’invita pour le thé : racontez-nous !

Je savais que le délicieux conte de Judith Kerr rencontrerait un vif succès car je faisais de l’anglais chaque jour depuis deux ans dans la continuité d’un projet européen du programme Erasmus. Les élèves étaient donc déjà sensibilisé ·es à la langue et à la culture anglaises. Nous avons travaillé sur l’histoire, les personnages et le vocabulaire pendant plusieurs semaines avant la projection.
Je leur ai lu et relu, en plusieurs épisodes, l’album en anglais jusqu’à ce qu’ils·elles comprennent l’intrigue. Pour y arriver, il faut presque jouer l’histoire, avoir recours au mime, exagérer l’intonation, s’aider des images… Il faut surtout être convaincu·e que les enfants vont accéder au sens, et ça marche sans recourir au français ! Quand je leur ai ensuite relu l’album dans leur langue maternelle, ils·elles connaissaient déjà l’histoire par cœur et n’avaient qu’une hâte : la découvrir au cinéma !

Quels conseils donneriez-vous aux collègues qui n’ont pas encore organisé de séance scolaire ?

On peut parfois se dire que certain·es de nos élèves vont déjà au cinéma et que tous·tes passent suffisamment de temps devant les écrans, mais ce n’est pas la même chose. On leur fait découvrir des films de qualité sur lesquels on travaille en classe. On peut trouver au moins un film par an en lien avec son projet de classe ou sur le thème qu’on a choisi pour une période.
On peut faire ses propres recherches sur les sites des distributeurs ou via le magazine Séances Scolaires. On peut également demander conseil à ses collègues ou à la conseillère pédagogique d’Éducation Artistique et Culturelle qui peut aussi nous aider à intégrer les dispositifs École et cinéma ou Maternelle et cinéma. Cela peut être un bon début pour emmener ses élèves au cinéma plusieurs fois dans l’année. Pour ma part, je préfère être libre dans mes choix et que le film s’intègre à mon projet de l’année. Nous avons la chance de pouvoir organiser des séances privées avec le cinéma Le Fauteuil Rouge situé à une dizaine de kilomètres de l’école. L’association des parents d’élèves prend en charge les billets et la communauté des communes le transport en bus : les familles n’ont rien à régler.

Comment la découverte du cinéma aide vos élèves dans leur apprentissage ?

La découverte du cinéma, comme toute forme d’art et de culture, développe l’imagination des enfants, permet la construction de références culturelles, ainsi que la formation de leur sens critique. Mes élèves ont la chance d’aller au cinéma avec leurs familles, pour voir principalement des films grand public, mais ce n’est pas la même chose que d’aller au cinéma avec ses camarades et d’y découvrir le film sur lequel on a travaillé ensemble. Ils·Elles aiment imaginer une suite, sont capables de dire si le film leur a plu ou si certains passages les ont déçu·es (ce qui n’arrive pratiquement jamais). Même leurs dessins changent au moment de la projection : ils·elles ont eu leur « période tigre » !
Avec la séance en anglais qui leur a beaucoup plu, leur regard sur la langue étrangère et leur ouverture au monde ont aussi évolué. Ils·Elles ont osé voir un film en anglais, pourquoi ne pas écouter des lectures ou chanter en langue étrangère ? Aller voir un bon film au cinéma, c’est s’éveiller.

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