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Entretien avec Chan Ortiz-Maitte, programmatrice cinéma jeune public au cinéma Le méliès de Villeneuve-d’Ascq

Magazine n°6
Direction le Nord, à la découverte du cinéma art et essai Le méliès, qui propose une programmation riche et diversifiée.  Cette salle fait partie du réseau De la suite dans les images, association régionale qui met en relation, soutient et accompagne les professionnel·les de l’exploitation et de l’action culturelle cinématographique dans les Hauts-de-France. 

Partez à la découverte du cinéma art et essai Le méliès, qui fait partie du réseau De la suite dans les images, association régionale qui met en relation, soutient et accompagne les professionnel·les de l’exploitation et de l’action culturelle cinématographique dans les Hauts-de-France.

Chan Ortiz-Maitte est programmatrice jeune public au cinéma Le méliès de Villeneuve-d’Ascq (59). Elle gère la programmation, les animations et les séances scolaires du petit méliès.

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ? 

J’ai toujours adoré voir des films d’animation au cinéma mais j’ai un parcours complètement atypique : je n’ai fait aucune étude de cinéma ! Après quatre ans de FLE, j’ai d’abord enseigné le français à l’étranger durant quelques années. De retour en France, j’ai mis en place pour la mairie de Roubaix des ateliers de français destinés aux primo-arrivant·es et, petit à petit, j’ai eu en charge tous les ateliers culturels des écoles de la ville. Cette expérience m’a permis de bien connaître les rouages du système scolaire, de la mairie et des centres sociaux. 

J’ai ainsi pu rejoindre l’équipe du méliès pour m’occuper, dans un premier temps, des réservations scolaires et des centres de loisirs. Je me suis ensuite intéressée à la programmation jeune public et, très vite, Antoine, mon responsable, m’a laissée gérer entièrement le jeune public, depuis la programmation des films jusqu’à l’animation des séances en salle. 

Selon vous, comment les sorties au cinéma participent- elles à l’éducation artistique et culturelle des élèves ? 

Pour moi, le cinéma est plus important que jamais ; il ouvre bien entendu les esprits, grâce à des thèmes qui ne sont parfois pas abordés à la maison ou à l’école, il élargit l’imagination, notamment avec le cinéma d’animation et ses techniques diverses qui permettent de tout faire, et il me semble capital pour l’éducation aux images. Quand je parviens à faire comprendre aux enfants que le regard des spectateurs·trices est « manipulé » par le· la réalisateur·trice lorsqu’ils·elles regardent un film, je me dis que j’ai fait mon job ! Cela leur permettra peut-être d’observer différemment toutes les images dont on les abreuve quotidiennement via les réseaux sociaux… 

“Le cinéma ouvre les esprits et élargit l’imagination.”

Quelles sont les particularités de la programmation d’un mono-écran ? 

NDLR : Un mono-écran est un cinéma qui ne possède qu’une seule salle de projection

Afin d’offrir un large choix au public, nous proposons des films différents chaque semaine. Cela est plutôt confortable en termes de programmation car nous n’avons pas à réfléchir à combien de temps nous devons garder un film en fonction de sa « rentabilité ». Pour les spectateurs·trices, c’est un peu plus contraignant : tel film passe telle semaine, il n’y a pas de rattrapage possible. 

Nous ne sommes pas ouverts au public en journée la semaine, pour pouvoir accueillir les nombreuses séances scolaires que nous mettons en place. Nous travaillons avec plus d’une quarantaine d’établissements, allant de la maternelle au lycée. C’est parfois compliqué de satisfaire toutes les écoles, mais on y arrive ! 

Quelles animations jeune public proposez-vous ? 

J’annonce la programmation jeune public lors de nos apéros-ciné mensuels. Nous organisons des ciné-philo, ciné-spectacles, ciné-chansons, des ateliers de création de personnages en pâte à modeler ou de réalisation de courts métrages, les animations étant menées par des intervenant·es. Nous proposons également deux à trois ciné-concerts par an ; le dernier en date était une création régionale sur Trafic de Jacques Tati. J’aimerais en proposer davantage, mais nous sommes limité·es par le budget et surtout par un espace assez resserré entre l’écran et le premier rang. 

De mon côté, j’interviens auprès des écoles (au cinéma ou dans les classes) pour présenter des jouets d’optique, ancêtres du cinéma, et les enfants repartent avec un flipbook ou un thaumatrope assemblés par leurs soins.

 Dans le cadre du dispositif « La première toile » proposé par De la suite dans les images, nous offrons, quatre fois par an, un accueil spécifique aux tout·es-petit·es qui viennent pour la première fois au cinéma. J’explique comment se passe une séance, en gardant les lumières tamisées et avec un volume sonore adapté, et en accompagnant d’une animation : un petit spectacle, un ciné-concert, un quiz, un goûter…

Pouvez-vous nous présenter votre projet « Le p’tit Cannes des écoles » ? 

Nous l’avons mis en place l’an dernier en partenariat avec l’Éducation nationale. Nous lançons en début d’année scolaire les inscriptions et les enseignant·es ont jusqu’au mois de juin pour réaliser un court métrage avec leurs élèves. À la fin de l’année, nous projetons les films au cinéma devant les classes participantes durant toute une journée. 

Nous décernons ensuite des trophées : les « Licornes d’or », pour récompenser le scénario, le décor, la musique, les dialogues… Nous faisons bien sûr en sorte que chaque classe reparte avec un prix. Nous mettons en place toute une mise en scène avec tapis rouge dans le hall, photocall, et nous demandons aux enfants de bien s’habiller pour l’occasion. Ils·Elles sont vraiment ravi·es de cette cérémonie ! 

Parlez-nous de votre partenariat avec le Forum des Sciences autour du film Léo, la fabuleuse histoire de Léonard de Vinci

Nous avons découvert le film en avant-première au festival d’Annecy et nous avons appris que le Forum des Sciences allait recevoir une exposition sur Léonard de Vinci conçue et réalisée par le château du Clos Lucé. Le film et l’exposition étant totalement complémentaires, nous avons conçu une affiche commune pour les visiteurs·euses de l’exposition et les spectateurs·trices du film pour les inciter à découvrir Le méliès et le Forum des Sciences. 

Grâce au partenariat avec De la suite dans les images, la liste des cinémas programmant le film dans la région sera également disponible pour les visiteurs·euses du Forum autres que Villeneuvois. Nous avons aussi rencontré les équipes des centres de loisirs de la ville pour leur proposer de participer aux deux activités culturelles. 

Avez-vous des projets transdisciplinaires avec d’autres structures ? 

Chaque année, avec les équipes de trois médiathèques, nous menons le projet « De l’écrit à l’écran », avec pour supports un livre et son adaptation au cinéma. Les médiathèques vont dans les classes et organisent une activité autour du livre, puis ces mêmes classes viennent en séance scolaire voir le film. Cette année, nous travaillons avec des classes de CM sur Le Royaume de Kensuké. Les médiathèques proposeront des ateliers de lecture et d’estampes japonaises et les élèves iront ensuite voir le film d’animation. 

Racontez-nous vos meilleurs souvenirs ! 

Un jour, un enfant m’a regardée avec insistance dans le métro et a dit à son père : « C’est la dame du film ! C’est la dame du film ! » ; son père m’a demandé si j’étais actrice… C’est là que j’ai compris que pour certains enfants je sortais de l’écran pour présenter les séances ! Souvent, les enfants me demandent quel est mon métier, pensent que je suis la réalisatrice et me remercient d’avoir fait le film. 

Récemment, j’ai assisté à la fin de séance de La Légende de Manolo et il y a une révélation surprenante à la fin du film. Un enfant, les yeux écarquillés, s’est écrié : « Noooon, je savais pas que c’était elle ! ». J’ai adoré sa réaction, il était complètement immergé dans le film et m’a remerciée mille fois en sortant.

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