Marie Bazin, coordinatrice Enfance – Jeunesse au Pont des Seugnes, le centre socioculturel de Pons situé en Charent-Maritime (17), nous raconte comment elle a mis en place ce projet multidisciplinaire enrichissant et les nombreuses activités organisées avec son équipe d’animation.

Présentez-nous votre structure !
Le centre de loisirs fait partie du Pont des Seugnes, le centre socioculturel de Pons. Il est situé en zone rurale, où l’accès à la culture n’est pas toujours facile. L’accueil de loisirs est non seulement un service permettant la garde d’enfants, mais c’est aussi un lieu d’apprentissage à travers des expériences de vie collective. D’une certaine manière, nous sommes complémentaires à l’école et avons à coeur d’offrir aux enfants un environnement propice à la découverte, à l’épanouissement et à l’enrichissement personnel. L’équipe d’animation propose des activités pédagogiques dans le cadre d’un projet éducatif écrit collectivement et axé vers l’éducation populaire. Nous souhaitons mettre en avant les différentes ressources locales au service des habitant·es.
Comment avez-vous décidé d’intégrer le cinéma à vos activités ?
J’ai été secrétaire générale de l’association Les Amis du Cinéma qui gère Le Ciné de Montguyon, un cinéma rural labellisé art et essai jeunesse. Avec Maylis Badie, la présidente, et Benoît Gay, le projectionniste, nous organisions régulièrement des événements tels que des Ciné-Lecture ou des Ciné-Activités pour les enfants, les jeunes et les familles. Par exemple, nous avions mis en place autour du film Grosse colère et fantaisies, une lecture théâtralisée à la médiathèque de l’album éponyme de Mireille d’Allancé. La séance s’est poursuivie par l’intervention d’une sophrologue qui a initié les enfants à des exercices pour gérer la colère et la frustration. Lors de cette expérience, j’ai pris conscience de l’importance de la médiation culturelle autour des films. J’ai souhaité sensibiliser mon équipe d’animation à l’outil puissant qu’est le grand écran. Il est essentiel de démocratiser l’accès au cinéma dès le plus jeune âge afin de le rendre accessible à tous·tes et de nourrir un regard ouvert et curieux.

Quelle est votre vision de l’éducation aux images ?
C’est un outil essentiel pour ouvrir les esprits au monde et aux multiples points de vue qui le composent. Le cinéma permet de plonger dans des réalités variées, de mieux appréhender notre société et d’acquérir le recul nécessaire pour interroger notre quotidien. À travers le cinéma, on développe aussi un esprit critique : les enfants apprennent à décoder les messages, à analyser les images et à se positionner face aux sujets abordés, ce qui renforce leur capacité à réfléchir de manière autonome. C’est également un moyen de sensibiliser à des enjeux importants en apportant une perspective artistique et culturelle. L’expérience collective d’une projection favorise les liens sociaux et les échanges constructifs. Le cinéma devient un lieu de partage et de discussion.
Pourquoi avez-vous décidé de participer au Prix Cinéma des Écoles ?
Parce que c’est une opportunité unique de travailler tout au long de l’année sur un projet concret autour d’une pratique artistique ! L’année est rythmée de novembre à mars par les séances des sept films en compétition, ce qui offre un fil rouge pour aborder, de manière ludique, des thématiques variées et encourager les échanges jusqu’au vote au mois de mai. Le processus de vote incite les enfants à approfondir leur réflexion sur les films et à argumenter leurs choix, ce qui enrichit leur expérience. À mes yeux, le fait de voter est aussi un acte citoyen important qui initie les enfants aux valeurs de participation collective.

Vous financez les séances au cinéma par la CAF, comment avez-vous procédé ?
Chaque année, la CAF lance deux appels à projets d’aide au fonctionnement pour permettre aux associations qui s’occupent de l’enfance et de la jeunesse de financer un projet de leur choix sur plusieurs mois. J’ai donc soumis un dossier dans le cadre d’un projet global d’éveil culturel visant à favoriser l’accès à la culture en zone rurale, en incluant notamment le coût des places de cinéma. Nous allons au cinéma Le Vauban à pied, mais il est possible d’inclure également les frais de transport.
Pourquoi avoir associé la médiathèque à votre projet ?
Ayant travaillé à la fois au cinéma et à la médiathèque de Montguyon, j’ai constaté de nombreuses passerelles possibles, notamment le fait que les livres inspirent très souvent les films jeune public. Par exemple, le premier film que le groupe des petit·es a vu dans le cadre du Prix Cinéma des Écoles est Billy le hamster cowboy, adapté des célèbres albums de Catharina Valckx. L’idée est de permettre aux enfants d’explorer les histoires et les personnages sous différents formats. En multipliant les supports autour d’un même sujet, ils·elles s’approprient pleinement les thématiques, développant ainsi une compréhension plus profonde et diversifiée.

Comment les enfants ont réagi pendant les projections ?
Lors de la première séance des deux groupes, c’était « deux salles, deux ambiances » ! Les plus jeunes qui ont vu Billy le hamster cowboy ont beaucoup rigolé, notamment grâce au personnage de Jean-Claude le ver de terre, qu’ils·elles ont trouvé très drôle. Pour les plus grand·es, l’expérience a été plus émotive, avec quelques larmes versées devant Sauvages. L’histoire aborde des sujets sensibles, comme le décès d’une maman, ce qui a profondément touché les enfants.
Quelles médiations avez-vous prévues autour des films ?
Les animateur·trices proposent de nombreuses activités manuelles, comme des ateliers de sculptures en pâte à sel. Des chasses au trésor ont été imaginées pour rechercher les personnages des films au sein du centre de loisirs. Les enfants apprennent aussi les chansons des génériques de fin des films pour ajouter une dimension musicale. Ces activités enrichissent leur expérience cinématographique tout en stimulant leur créativité et leur curiosité. Prochainement, nous approfondirons les thématiques des films en nous rendant à la Micro Folie de Pons, un musée numérique interactif où chacun·e peut suivre sa propre navigation entre l’écran géant et la tablette pour découvrir des oeuvres d’art provenant de différents établissements culturels. Nous avons également prévu d’aller à l’aquarium de La Rochelle et de prendre des cours de guitare, en prolongement d’Une guitare à la mer.

Vous avez aussi créé un podcast…
Je collabore avec Simon Genais qui anime Radio Pons 97 FM, la radio locale gérée par notre centre socioculturel, et qui a aussi travaillé dans un cinéma art et essai. Après chaque projection, nous prenons un moment avec les enfants pour qu’ils·elles nous racontent l’histoire du film et pour discuter ensemble de ce qui leur a plu ou non, de ce qui les a touché·es. Par exemple, la manifestation pour la préservation de la forêt dans Sauvages les a particulièrement marqué·es. Cela leur permet de mettre des mots sur leurs émotions. Le podcast est un bon support pour faire un retour aux parents sur les films que leurs enfants ont vu, ce qui favorise, via une écoute familiale, une compréhension plus riche de leur participation au Prix. Il nous semble aussi intéressant de faire découvrir aux enfants l’univers radio, que cela soit au niveau technique, ou comme une amorce d’éducation aux médias.
Comment utilisez-vous le matériel pédagogique proposé ?
Nous faisons en sorte d’utiliser au maximum les outils mis à disposition. Les cahiers de bord sont remplis après chaque film pour faire un retour sur la séance de manière individuelle. Les affiches des films en compétition envoyées par courrier aident également, notamment les plus jeunes, à se remémorer les films. Nous les avons affichées dans les salles de groupe pour qu’elles fassent partie du paysage. Séances Scolaires a permis aux animateur·trices de s’approprier les films et de créer leur propre programme d’animation en s’inspirant des reportages du magazine. Les enfants ont aussi participé au concours de dessins Billy le hamster cowboy proposé dans le numéro de septembre. Le fait d’utiliser différents supports permet de multiplier les interactions autour des films et tout le monde peut trouver sa place dans les échanges.

Avez-vous des conseils pour les accueils de loisirs qui souhaitent organiser des séances au cinéma ?
Osez investir les salles de cinéma ! Il faut les voir comme un véritable outil d’éducation populaire, capable d’accompagner une multitude de projets. Le cinéma offre d’innombrables possibilités, on peut regarder un film et l’enrichir de multiples façons : en l’accompagnant de lectures, de rencontres avec des associations, de débats sur des sujets d’actualité, de concerts, de bals traditionnels, de tournois de jeux vidéo… Le cinéma est surtout un lieu propice à la création d’expériences communes, favorisant le lien social et incitant les gens à échanger entre elles·eux. Parfois, ces échanges peuvent même donner naissance à de nouvelles initiatives portées par les habitant·es du territoire.
Quels retours avez-vous eus sur le Prix Cinéma des Écoles ?
Les enfants ont beaucoup apprécié leur première séance au cinéma et se sont investis dans les activités qui ont suivi les projections. Les plus jeunes n’ont pas pleinement saisi la dimension du projet, ce qui est tout à fait normal à leur âge, mais ont exprimé un grand enthousiasme à l’idée de retourner au cinéma ! Les plus grand·es sont déjà curieux·ses de découvrir les autres films et commencent déjà à développer leurs horizons d’attente en observant les affiches. Il y a un véritable engouement des parents qui sont heureux de voir leurs enfants participer à des projets comme celuici, d’autant qu’il n’y a pas toujours le temps ou les moyens d’intégrer ce type d’initiative dans leur quotidien familial. Nous avons prévu une après-midi concert avec restitution de toutes les oeuvres créées par les enfants pour partager le moment du vote avec les parents.
Écoutez le premier épisode du podcast des enfants du Pont de Seugnes !